Dans le silence des chemins

" DANS LE SILENCE DES CHEMINS "
 

 
Sillonnant la forêt, la route était nue.
Sur les sentiers, nul être.
Les bêtes se méfiaient,
Où franchissaient au lointain
Le chemin par lequel il allait.
 
Pas d’âmes, pas de vies autres que ce grand silence
Doux et calme,
Distrait par le chant des oiseaux,
Le craquement d’une branche tombant,
Le vent s’éveillant dans quelques ramures.
 
Elle passa.
Sans crainte sans doute, sans inquiétude non plus,
Légère.
En s’en allant.
Déjà.
 
Et disparaissait dans le sous-bois.
 
Quelques instants encore,
Et elle lui manquerait.

 

Hubert Didona, septembre 1998

Voir les photographies

© texte et photographies tous droits réservés de l’auteur


" DANS LE SILENCE DES CHEMINS "

 
Les Passages – le travail en forêt :

Pour préparer ce travail, j’ai réalisé le repérage d’environ 40 " sites " (lieux de passages) précisément localisés sur une carte I.G.N. dans le périmètre forestier de Bois-Le-Roi, Fontainebleau et Barbizon, photographies que j’ai présentées aux modèles.

Le site était la vision préparatoire du passage. Le cadrage définitif serait décidé au moment de la prise de vue, l’axe de la vision étant conservé.

Chaque femme (modèle), lors d’une rencontre préalable a choisi 7 ou 8 sites dans la série photographiée, sites où elle s’imaginait en " passante ".
L’importance de laisser le choix des sites à chaque participante a permis de respecter la diversité des regards que chacune posait ponctuellement sur la forêt.

Ainsi l’une était plutôt sensible aux grandes allées, une autre à la cassure du sentier sinueux entre les rochers, une autre aux petits chemins intimes, ou au déploiement des espaces qu’offraient les carrefours forestiers.

Chaque lieu de passages pouvait être sélectionné uniquement une fois par deux modèles.
Puis il était retiré du choix proposé aux modèles suivantes.
L’heure, la lumière, la saison, la femme " passante ", le cadrage spécifiques à cette fois-là annulait l’impression d’une répétition.

Chaque prise de vue des 7 ou 8 sites avec chaque modèle a été réalisée en une journée, en semaine. La forêt y est alors agréablement calme et propice aux " passages ".

Sur un " site ", j’indiquais un parcours au modèle. L’appareil photo fixé sur un pied, reprenait le cadrage exact vu par le modèle lors de sa sélection.
Pouvaient être proposés par exemple un aller-retour d’un arbre à un autre, une venue en diagonale, un éloignement latéral, etc..., ou toutes autres formes de déplacements répondants à l’idée du passage et de l’utilisation du chemin, sans promeneur supposé.

Il s’agit d’une recherche (étude) de l’apparition dans l’image, une intervention, une traversée paisible, naturelle, " les belles qui passent en s’en allant ". Leur course est rapide, sans hâte.
Un déplacement silencieux, léger, joyeux en soi, sans expression de liesse, effectué simplement avec sérénité.

De la présence de ces femmes, je souhaitais que naisse une " surréalité " (la féerie humanisée de la forêt, la magie opérante de la femme passant, l’enchantement).

Elles seront peut-être devenues les humaines de la forêt ?
Merci à elles.

 
Hubert Didona, septembre 1998

© texte et photographies tous droits réservés de l’auteur

Voir les photographies


" DANS LE SILENCE DES CHEMINS "
 
PETIT LEXIQUE SPÉCIFIQUE À L’USAGE DU PROJET

 
Le Chemin :

- Le tracé de l’homme pour faciliter le repère et la traversée des espaces (les prémices de la route, voie officielle).
- Lieu où l’humain se tient le plus fréquemment quand il se déplace en forêt.
- Trajet préétabli que franchissent parfois à sa surprise (devant lui), ou à son insu (dans son dos) les animaux de la forêt.

L’Enchantement :

- Femme qui passe nue dans un lieu supposé désert.
- Notre civilisation n’envisage pas cette éventualité en dehors des lieux consacrés (centres naturistes, clos à la vue).

La Femme :

- Apparaît, inattendue, avec bonheur.
- Une surprise (et une richesse par le symbolisme que sa présence apporte).
- Invitation à un autre regard et à une autre appréciation de son existence et de celle de la forêt (du site, du paysage).

La Forêt :

- Une réalité du fond des âges, de mémoires d’hommes et de traces fossiles.
- Lieu où la disparition des plantes (décomposition) permet la naissance et la croissance d’autres (régénération). Les arbres meurent et se renouvellent.
- Maintien du monde initial, sauvage.

L’Intemporel :

- Une végétation du Quaternaire.
- Une physiologie humaine dont les formes et les émotions qu’elle suscite sont déjà inscrites dans les œuvres de l’Antiquité.
- Qui échappe à la mesure d’une vie d’homme.

La Nature :

- L’évolution primordiale, la source de la vie.
- Le " laboratoire expérimental " où toutes les possibilités moléculaires furent osées. (Nous vivons parmi ces réussites temporaires. – le 21 03 2012)
- Ce que l’homme s’accorde à reconnaître comme l’origine inhérente à son humanité quand il se " souvient ".

Le Passage :

- Course légère que réalise une femme sur le site qu’elle a choisi.

Le Site :

- Espace physique d’un chemin délimité par la photographie, géographiquement identifiable sur une carte I.G.N. (Institut Géographique National) de la forêt.
- Donne l’idée d’une vision perçue par un promeneur abordant ainsi ce chemin.
- Lieu où un passage est pressenti.

La Surprise :
  
- Scènes pastorales fréquentes en peinture où des femmes au bain (étang, ruisseau, rivière...) sont découvertes nues ou presque par des cavaliers soit égarés (souvent des chasseurs), soit menant leurs chevaux à l’eau pour qu’ils s’y désaltèrent.
L’attitude de ces femmes surprises traduit un effarouchement léger où une pudeur réflexe cède rapidement le pas au délice de cette délicate situation : la surprise du cavalier.

Hubert Didona, janvier 1995

Voir les photographies

© texte et photographies tous droits réservés de l’auteur